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2009

Gilles Bertrand et Ilaria Taddei(coord.), Le destin des rituels. Faire corps dans l’espace urbain, Italie-France-Allemagne. Il destino dei rituali « faire corps » nello spazio urbano, Italia-Francia-Germania, Rome, Ecole Française de Rome, 2008, 550 p. Coll. Ecole Française de Rome n°404

Aude Argouse

Texte intégral

1Cet ouvrage est composé de 24 contributions déclinant dans trois espaces géographiques – l’Allemagne, la France et l’Italie – les pratiques de rites urbains et couvrant une période qui va de l’Antiquité tardive au XXe siècle. Autant dire que l’objet est ambitieux, même si l’approche est originale. Il ne s’agit pas, en effet, d’étudier tous les rituels qui ont pour cadre la ville, ni de faire une histoire des rituels urbains. Il s’agit de montrer comment, dans divers contextes urbains, il est possible de percevoir dans les rituels et dans leurs transformations les ruptures et les continuités de l’histoire politique de la ville.

2L’examen des rites urbains ne dépasse pas les questions portant sur l’analyse des rituels et notamment celle de la complexité du concept même de rituel, dont les acceptions se sont multipliées au fil des disciplines (anthropologie, sociologie, ethnologie, histoire). Sont associés au rituel les entrées solennelles, les processions religieuses ou civiles, les funérailles, les carnavals, les élections ou encore les violences rituelles et les commémorations. En outre, chaque ville est un contexte historiographique singulier, lui-même inséré dans un cadre plus vaste, en particulier dans le cas de villes capitales (Rome, Naples, Venise). La question de fond qui parcourt l’ensemble des articles proposés est d’ailleurs posée dans l’introduction : comment saisir le rituel dans le flux de l’histoire ?

3Connaissant l’importance historiographique de la ville dans le continent américain, l’approche historique privilégiée dans cet ouvrage peut apporter des éléments pour une relecture en faveur des rituels urbains des villes américaines. Nous évoquons aussi bien ceux qui furent mis en place au moment de la fondation des villes, que ceux qui s’y déroulent en diverses occasions.

4La fondation de villes fut, parmi les modes d’organisation et de contrôle de l’espace, l’un des moyens les plus efficaces. En Amérique latine, les Espagnols ont imposé un modèle urbain rationalisé autour de la place centrale, avec un tracé de ville en damier et une distribution homothétique des terrains. Cette forme de la ville trouverait son origine dans une conception romaine de la ville idéale et structurante. Cependant, la ville a pu exprimer aussi une résistance importante à la centralisation du pouvoir. Bien que la ville soit conçue comme une véritable synthèse visuelle de la concentration des pouvoirs dominants, les populations urbaines « font corps » avec leur ville et l’investissent. Ce sont les tensions entre populations, pouvoirs et autorités qui semblent animer la fonction des rituels urbains.

5La question de la conscience civique d’une cité divisée fait rapidement surface. Les contributions, en effet, ne se limitent pas à l’analyse des lieux d’expression du pouvoir ou de la symbolique des images fabriquées lors des processions, des cortèges et des défilés. Elles évoquent également la façon dont les communautés citadines, par la participation aux rituels, s’approprient l’espace urbain. Par leur présence, ces communautés font la ville et lui confèrent sens et signification. Ainsi, la ville se voit plurielle et l’absence, dans l’espace du rituel, d’une partie des communautés exprime tout autant que leur présence la place qu’elles occupent dans la société urbaine.

6On appréciera plus particulièrement l’article de Clarisse Coulomb sur les rituels dans les histoires des villes publiées en France dans les années 1650 et 1780, qui propose une interrogation pertinente sur les textes décrivant les rituels. L’auteur souligne, se faisant écho de Philippe Buc, que les récits de rituels avaient « toujours une importance plus grande que la performance des gestes ». Le texte de Clarisse Coulomb est placé par souci de chronologie au milieu de l’ouvrage. Il formule de nouveau l’un des axes essentiels de la réflexion sur les rituels urbains et leur caractère discursif : celui de la formation conjointe de l’identité urbaine et de la notion de citoyenneté. A cet égard, le premier article s’attachant à démontrer l’importance du rituel des Lupercales, relatif à la constitution de la ville de Rome, paraît renvoyer tacitement aux travaux de Yan Thomas sur la citoyenneté romaine et sur la constitution de la valeur des choses à partir de celle de la cité. L’ensemble des contributions crée ainsi espace de discussion pour faire dialoguer entre eux rituels urbains européens et américains.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Aude Argouse, « Gilles Bertrand et Ilaria Taddei(coord.), Le destin des rituels. Faire corps dans l’espace urbain, Italie-France-Allemagne. Il destino dei rituali « faire corps » nello spazio urbano, Italia-Francia-Germania, Rome, Ecole Française de Rome, 2008, 550 p. Coll. Ecole Française de Rome n°404 »Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne], Comptes rendus et essais historiographiques, mis en ligne le 03 février 2009, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/nuevomundo/52463 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nuevomundo.52463

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Auteur

Aude Argouse

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