Marcel Dorigny & Bernard Gainot, Atlas des esclavages. Traites, sociétés coloniales, abolitions de l’Antiquité à nos jours, Paris, Editions Autrement, 2006, 80 p.
Texte intégral
1Cet atlas, constitué de graphiques, cartes, tableaux et textes synthétiques très clairs, est d’une grande utilité pour tous ceux qui s’intéressent à l’esclavage, sa diffusion, ses caractéristiques et sa démographie. Les auteurs ont voulu y concentrer toutes les données sur cette institution depuis l’Antiquité, bien que la partie la plus importante porte sur les relations triangulaires entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques. Les traites arabes occupent deux pages (10-11) dans lesquelles une notice mentionne les razzias de chrétiens en Méditerranée (plus d’un million aux XVIe et XVIIe siècles). L’esclavage médiéval en Occident a droit à un traitement égal, fondé en grande partie sur les travaux d’Alessandro Stella. Enfin, la traite intra-africaine, bien antérieure au XVIe siècle, est malheureusement trop succincte, mais probablement les auteurs ont dû obéir aux consignes de l’éditeur et à ses impératifs commerciaux. La traite européenne est le cœur de cet ouvrage. Un graphique tiré de l’ouvrage de Hugh Thomas représente les pays destinataires de ce commerce (p.19), mettant en évidence l’importance du système esclavagiste au Brésil, qui reçoit presque le double de tous les esclaves destinés à l’empire espagnol, y compris Cuba. L’atlas examine chaque traite en fonction des enjeux et des modalités propres à chaque puissance européenne. L’Angleterre, par exemple, occupe une place singulière dans la redistribution de la main-d’œuvre servile dans tout le continent, à travers, notamment la Jamaïque, lieu de passage de grands contingents d’esclaves entre 1660 et 1810, le pic étant atteint à la fin du XVIIIe siècle et à la veille de l’abolition du trafic par les Anglais. La place de la traite négrière de la France est bien mise en évidence ; un certain nombre de ports participent pleinement à cette activité dont Nantes, le quatrième en importance après Liverpool, Londres et Bristol. Bien que le trafic fut interdit en février 1815 par la convention de Vienne, et que la France confirma cette interdiction en 1818, celle-ci continua à exercer une traite illégale à peine cachées jusqu’en 1848.
2Le lecteur trouvera aussi des descriptions utiles sur les forts de traite dont le célèbre São Jorge del Mina (Elmina) et le non moins fameux Cape Coast. La carte des royaumes négriers en Afrique guinéenne (p. 30) compense heureusement celle des états fondés sur l’esclavage (p.14) de R.R.Palmer, insuffisante et anachronique. La traite dans l’Océan indien et la place de Madagascar, pourvoyeuse d’esclaves dans toute la région, permettent de mieux connaître les réseaux orientaux. Il faut saluer l’excellente représentation cartographique des révoltes d’esclaves dans les Antilles, du XVIe au XIXe siècle. L’Atlas prolonge ses données jusqu’à l’actualité la plus proche, avec une carte sur les esclavages contemporains (exploitation et trafic d’enfants, exploitation extrême de la main-d’œuvre, persistance de formes serviles traditionnelles et servitude domestique clandestine) et un rappel des formes extrêmes de servitude dans un contexte de grande violence comme le Darfour.
3Il serait mal venu de critiquer un ouvrage dont l’utilité est indéniable. Cependant on peut regretter que les références aux affranchissements concernent principalement le domaine antillais et ne mentionnent pas l’empire espagnol, où ils ont été les plus fréquents. Autre regret, l’esclavage urbain, si important dans toutes les villes ibériques, est présenté très sommairement (pp. 36-37) ce qui le fait apparaître, à tort, comme un phénomène mineur. Une fois de plus le monde hispanique est traité de façon trop rapide, mais nous en avons l’habitude... L’Asie d’ailleurs est sous-représentée même si la bibliographie cite l’ouvrage majeur dirigé par George Condominas publié en 1998. Ces réserves étant faites, on ne saurait que trop recommander cet Atlas très bien conçu.
Pour citer cet article
Référence électronique
Carmen Bernand, « Marcel Dorigny & Bernard Gainot, Atlas des esclavages. Traites, sociétés coloniales, abolitions de l’Antiquité à nos jours, Paris, Editions Autrement, 2006, 80 p. », Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne], Comptes rendus et essais historiographiques, mis en ligne le 30 août 2007, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/nuevomundo/8002 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nuevomundo.8002
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