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2007

Flavia Freidenberg, La tentación populista. Una vía al poder en América Latina, Madrid, Ed. Síntesis, 2007, 287 p.

Adeline Joffres

Texte intégral

1Paru il y a deux mois aux éditions « Sintesis » dans une collection idéale pour les étudiants étonnante de clarté et effectivement très synthétique comme son nom l’indique, La tentación populista. Una vía al poder en América latina aborde la question plus que jamais d’actualité mais délicate car souvent détournée et foisonnante d'images préconçues, du populisme. En particulier, Flavia Freidenberg, professeur de science politique à l'Université de Salamanque, se penche sur le concept de populisme dans la partie du monde considérée comme étant sa terre d'élection : l'Amérique latine, et ce dans une optique comparative. Et c’est avec un titre connoté que d’emblée, l’auteur pointe du doigt les interprétations et préjugés rattachés au populisme. Même s’il n’est pas entièrement consacré à l'analyse du concept, ce livre a le mérite d'affronter le vrai problème que beaucoup fuient avec pour excuse la diversité du concept à travers l'espace et le temps, problème qui est de définir de manière rigoureuse le populisme, tout en prenant en considération les tentatives précédentes d'historiens ou de politologues. Un autre intérêt de cet ouvrage lié à sa vocation comparative est qu’il présente de nombreuses données qui illustrent le raisonnement de l’auteur : extraits de discours des différents présidents latino-américains étudiés, tableaux représentant l’évolution des partis politiques, ou matérialisant celle du comportement électoral des votants, extraits de textes ou de projets de lois…

2La première partie de l'ouvrage est logiquement consacrée à retrouver  ce « concept perdu » qu'est le populisme, ou plutôt, à le reconstruire. Flavia Freidenberg récapitule tout d'abord avec justesse les difficultés, depuis les premières analyses menées sur le populisme, de définir ce terme comme un concept valide avec des caractéristiques précises, par désaccord sur les méthodes à employer, mais également du fait de la polysémie originelle du concept. Six obstacles sont plus précisément cités : « l'ambiguïté », le caractère « vague » du terme et limité de la connaissance, l' « étirement du concept », « le niveau de généralisation voulu pour son usage », et enfin « les préjugés des observateurs » à son égard. Il est ensuite passé en revue les diverses stratégies adoptées par les analystes du concept, jusqu'aux plus récentes, ce qui confère d'autant plus d'intérêt à l'ouvrage pour enfin aboutir à une redéfinition voulue par l'auteur et qui met essentiellement l'accent sur le "leadership", c'est-à-dire le type de relation de domination que le leader populiste entretient avec le peuple, ses suiveurs ou encore avec son administration. Flavia Freidenberg se propose ainsi de définir le populisme comme :

"un style de leadership caractérisé par une relation directe, charismatique, personnaliste et paternaliste entre leader-suiveur, qui ne reconnaît pas de médiation organisatrices ou institutionnelles, qui parle au nom du peuple et érigent l'opposition en un ‘autre’, dont les suiveurs sont convaincus des qualités extraordinaires du leader et croient que grâce à elles, à des méthodes distributives et/ou à l'échange clientéliste (matériel comme symbolique) qui les lient au leader, parviendront à améliorer leur situation personnelle ou celle de leur entourage".

3Au travers de la prise en compte de paramètres tels que l'entourage du leader, le mode de communication, l'auteur se garde de faire une généralité de cette « nouvelle définition » et mentionne les précautions nécessaires que tout chercheur en sciences sociales doit prendre.

4La composition de l'ouvrage est ensuite calquée sur une typologie déjà établie par Guy Hermet en France : celle qui différencie le « populisme des anciens » au « populisme des modernes »1 et complétée par Drake2 en 1982 sur lequel s’appuie plus spécifiquement la périodisation réalisée par l’auteur. En effet, Drake sépare le populisme « avancé » des premières années du XXème siècle du populisme « classique » des années 1930, 1940 et 1950 puis du populisme « tardif » des décennies 1970 et 1980. Il distingue ensuite les « nouveaux populismes néolibéraux » (1980-1990) et « anti-néolibéraux » (1990, Bolivie) et enfin, les populismes contemporains de la fin des années 1990 et du début du XXIème siècle. Flavia Freidenberg reprend trait pour trait ce découpage en nuançant la généralisation qu’elle établit à la fin de chacune des parties par des contre-exemples de la période étudiée.

5La deuxième de l’ouvrage partie est ainsi consacrée aux « vieux populismes » apparus en Amérique latine des années 1930 aux années 1970 pour les plus « tardifs », les populismes généralement considérés comme « classiques ». Comme dans l'étude des cas des deux autres périodisations postérieures, l'auteur analyse chaque phénomène populiste sur la base de six critères : le contexte, le style de leadership exercé, la base sociale de soutien et le type de mobilisation, les stratégies discursives, le contenu des politiques économiques et sociales et les modalités de « sortie » du pouvoir pour le leader. Au travers de dix chapitres, Flavia Freidenberg analyse ainsi tour à tour les expériences mexicaine avec l’étude du PRI, brésilienne avec celle du populisme de Vargas, argentine avec Perón, équatorienne avec le vélasquisme, panaméenne avec l’étude du pouvoir d’Arnulfo Arias, chilienne avec celle de Carlos Ibáñez del Campo et péruvienne avec l’APRA. Un dernier chapitre est consacré à d’ « autres expériences », sans doute moins marquantes dans la région mais dont la particularité n’est pas vraiment explicitée par l’auteur : l’expérience colombienne du conservateur Jorge EIiécer Gaitán et le ruralisme uruguayen incarné par Benito Nardone.

6La troisième partie est quant à elle axée sur l’analyse des « nouveaux populismes  néolibéraux » regroupés dans la période des années 1990. Ces « néo-populismes », comme les analystes les ont souvent qualifiés sans pour autant s’accorder la signification même du concept de populisme, regroupent essentiellement des expériences à l’apparence inédite du fait du style singulier et du caractère paradoxal et parfois même extravagant de leurs leaders, qui sont parfois des outsiders. Le contexte, est également un élément qui renforce le caractère inédit des situations qui prennent forme à des moments charnières et souvent critiques de l’histoire du pays, au moment ou se généralise l’ère de la communication de masse que les leaders en question vont exploiter au maximum. Après avoir repris la genèse du néologisme « néo-populisme » comme la contraction des termes « populisme » et « néolibéralisme », Flavia Freidenberg analyse les  expériences de Carlos Menem en Argentine ainsi que d’Alberto Fujimori au Pérou qu’elle qualifient de « succès », avant de finir sur les échecs d’autres expressions du dit « néo-populisme » dans le sous-continent telles que celui de l’Equateur de Bucaram ou du Bresil de Collor de Mello. Comme à l’issue de la première partie, l’auteur vient tempérer cette classification en mentionnant l’expérience bolivienne des leaders Carlos Palenque et Max Fernández qui brise alors l’alliance de convenance entre populisme et néo-libéralisme. Mais plus que de nuancer la périodisation établie dans cet ouvrage, le dernier chapitre de cette partie incite à réfléchir à la remise en question de la pertinence même du concept de néo-populisme, de sa « valeur ajoutée » par rapport au concept originel de populisme, et suggère les limites d’un concept en réalité discutable.

7Une catégorie supplémentaire par rapport à celles énoncées par Guy Hermet est celle du populisme dans la période très récente, soit à partir des années 2000. Flavia Freidenberg se concentre ici sur les leaders qui font notre actualité : le président bolivarien Hugo Chávez Frías au Venezuela, le leader indien bolivien Evo Morales et enfin l’ex- et le nouveau président de l’Equateur : Álvaro Noboa et Rafael Correa. Certes, ces trois exemples sont actuellement les plus médiatisés, les deux derniers pour les relations qu’ils entretiennent avec le premier. En effet, on aurait du mal à remettre en question le caractère populiste du président vénézuélien, mais Evo Morales exerce-t-il le même type de leadership ? Car un leader populaire n’est pas nécessairement populiste, et peut-être le cas de la Bolivie devrait-il être traité avec plus de prudence conceptuelle. A côté de cela, revenir sur l’actualité péruvienne avec l’exercice du pouvoir d’Alán García depuis sa réélection aurait peut-être permis d’enrichir la comparaison.

8Ces questions montrent bien que malgré un argumentaire rigoureux, il est difficile de se défaire des vieux démons qui hantent le concept et complexifient son analyse. Flavia Freidenberg rappelle avec justesse ce problème dans la dernière partie de son ouvrage en rappelant la diversité du populisme, les points de convergence et de divergence entre les types de populismes analysés dans les diverses périodisations. Surtout, en bonne synthèse sur le sujet, l’auteur n’omet pas de traiter la problématique du lien entre le populisme et la démocratie, traité en France par Yves Mény et Yves Surel3. Les avantages d’un ouvrage comme celui de Flavia Freidenberg, concis, mais en même temps complet car mêlant analyse conceptuelle et études de cas et, qui plus est, très agréable à lire, sont donc nombreux. En quelques mots : un très bon préalable à toute étude approfondie sur le sujet.

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Notes

1 Guy Hermet, « Populisme des anciens, populisme des modernes, populisme libéral-médiatique », in Olivier Ihl, Janine Chene, Eric Vial, Ghislain Waterlot (dir.) La Tentative populiste au cœur de l’Europe, Paris Ed. La Découverte, Collection Recherches, 2003, 313 p.
2 Paul Drake, “Populism in South America”, Latin American Research Review, vol. 17 (1): 190-199.
3 Yves Meny et Yves Surel, Par le peuple, pour le peuple, Le populisme et les démocraties, Paris, Fayard, Collection « L’espace du politique », 2000, 326 p.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Adeline Joffres, « Flavia Freidenberg, La tentación populista. Una vía al poder en América Latina, Madrid, Ed. Síntesis, 2007, 287 p. »Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne], Comptes rendus et essais historiographiques, mis en ligne le 26 juillet 2007, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/nuevomundo/7652 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nuevomundo.7652

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